Interview réalisée par Chloe Demora – Étudiante en Master 2 Manager de la stratégie de communication et digital au sein du campus de Sup de Com Nantes
Qui êtes-vous ?
1) Quelle est votre fonction ? Et votre parcours professionnel ?
Je suis Stéphane BOUILLET, le co-fondateur avec mon frère Sébastien d’Influence4you. J’ai 44 ans, fait HEC et ai créé ma première start-up en 1999 (bebe-annonces.com) puis confidentielles.com. J’ai aussi été directeur marketing de Mappy et consultant en marketing chez Capgemini avant de fonder gamoniac.fr puis influence4you et influence4brands.com. Bref des expériences assez diverses mais très orientées Internet et Marketing.
Le marketing d’influence
2) Comment définissez-vous le marketing d’influence ?
C’est du marketing de bouche à oreille par des influenceurs (c’est-à-dire de la recommandation par des personnes qui ont su agréger des communautés importantes sur les réseaux sociaux).
3) Quels sont les défis, en termes de marketing d’influence pour les entreprises ?
Il y en a plusieurs. Le principal est de trouver les bons influenceurs pour sa campagne (des grands ou des micro, peu importe). Ensuite vient le fait de gérer facilement sa campagne (ne pas perdre de temps – une opération avec des influenceurs demande plus de temps que de mettre une bannière sur un adserveur). Puis d’avoir un brief qui maximise le pouvoir de recommandation de l’influenceur (et donc qui va faire le bon mix entre la ligne éditoriale de l’influenceur et en même temps les objectifs de la marque). Enfin, la difficulté est de mesurer le ROI de sa campagne … et comme l’influence n’est pas un canal de communication qui arrive en bout de chaine sur l’achat (ce n’est pas de l’affiliation ou du adwords), ce ROI peut être parfois difficile à mesurer.
4) Les clés du succès du marketing d’influence ? (outils et/ou techniques)
Il faut de la méthode pour identifier, contacter, contractualiser, briefer et suivre la performance de ses campagnes. Sans méthode et réflexion, on ne fait que « pousser » ses campagnes sans apprendre ni s’améliorer. Les entreprises (ou leurs agences) doivent se doter de ces méthodes ou outils.
5) Quel est selon vous, l’avenir du marketing d’influence ?
Le bouche à oreille existe depuis la nuit des temps. Le marketing d’influence n’est qu’une déclinaison du bouche à oreille permise grâce à la technologie et donc ce concept est extrêmement fort et n’est pas une mode (même si c’est un sujet assez « à la mode » en ce moment). Le marketing d’influence va exploser dans les prochaines années car quasi 50% des internautes utilisent des Adblocks, la publicité traditionnelle n’est plus efficace et surtout le marketing d’influence est 11 fois plus efficace que les autres moyens traditionnels de communication. Vous pouvez retrouver ces chiffres ici : https://www.linkedin.com/pulse/les-10-chiffres-clés-qui-rendent-le-marketing-stephane-bouillet/
Le content marketing
6) Comment booster le content marketing avec le marketing d’influence?
En fait c’est tout l’intérêt du marketing d’influence : pas besoin de « booster » le content marketing. En effet, le « content marketing » simple créé par des marques a besoin d’être boosté car sinon personnes n’y accède (à part un contenu hyper viral). Il n’est pas visible en soit et il faut ramener du trafic dessus. En travaillant avec des influenceurs, le contenu est directement publié sur des lieux à forte audience (les réseaux sociaux de l’influenceur) et donc pas besoin d’être boosté. C’est tout l’avantage pour les marques qui font du 2 en un : l’influenceur crée du contenu pour la marque ET le diffuse auprès d’une forte audience.
7) Que conseillez-vous pour la création de contenus ?
La création de contenu par un influenceur nécessite que la marque lâche prise et laisse l’influenceur créer le contenu qui lui semble pertinent pour sa communauté dans son ton / sa ligne éditoriale habituelle. En gros la marque doit être très claire sur ses objectifs de communication et contraintes, ainsi que sur les aspects techniques (ex : parlez de la marque au début de la vidéo, pendant au moins 2 minute, en mettant un lien tracké en description, …) mais ensuite laisser l’influenceur gérer.
8) Quel a été l’impact des algorithmes sur les réseaux sociaux ?
Cela dépend de quels réseaux. Cela bouge en permanence, mais grosso modo les réseaux ont une approche ambiguë vis-à-vis des influenceurs : ils ont besoin d’eux pour créer des contenus de qualité, mais ils ne veulent pas leur donner trop de pouvoir car ils ne veulent pas voir passer sous leurs yeux trop de revenus qui iraient dans la poche des influenceurs sans aller dans celle du réseau social. Bref, les algorithmes passent en permanence de la mise en avant des influenceurs à au contraire la limitation de leur audience et illustrent la politique du « je t’aime / moi non plus »…
Les influenceurs
9) Quels sont les influenceurs à privilégier ? Pour quels objectifs ?
Un bon influenceur est un influenceur qui aime votre marque et a envie de vous recommander à sa communauté. C’est le critère numéro 1. Après vous pouvez ajouter sa qualité éditoriale, l’engagement de sa communauté, le coût… mais le critère numéro 1 est que l’influenceur vous aime.
10) Peut-on oublier les blogueurs dans une stratégie d’influence marketing ?
Cela dépend de la cible que l’on souhaite toucher, mais parfois, on peut « oublier les blogueurs » pour une stratégie donnée. Par exemple si vous souhaitez toucher les moins de 25 ans, il vaut mieux privilégier Youtube, Snapchat, Instagram, voir Musical.ly. Maintenant les bloggueurs ne sont pas « morts » au contraire. Les blogs permettent de faire plusieurs choses : toucher des cibles plus âgées, faire du backlink, avoir une visibilité défensive sur Google en recherche naturelle, … Il ne faut pas opposer blogs et autres réseaux sociaux. Les 2 sont complémentaires et on peut inclure l’un et/ou l’autre dans les stratégies des marques selon les objectifs recherchés. Bref les blogs ne sont pas morts… mais ont moins d’impact que les autres réseaux sociaux il est vrai.
11) Les collaborateurs sont-ils les meilleurs ambassadeurs ?
Les collaborateurs font partie intégrante du bouche à oreille (comme les consommateurs). S’ils aiment votre entreprise, ils seront clairement d’excellents ambassadeurs.
12) Qu’est-ce que le capital social des influenceurs, autrement appelé le “score social” ?
Il est extrêmement fort. Un peu comme l’épisode de Black Mirror où chaque individu a une note sociale et fonction de cette note ils ont des avantages. Les influenceurs ont une « note virtuelle » démultipliée par le fait qu’ils sont suivis par des milliers voire millions de personnes. Bref, ils peuvent influencer des milliers de personnes à faire une action. On le voit dans nos opérations marketing où les ventes explosent quand un influenceur met en avant un produit. Tara Hunt avait écrit un excellent livre à ce sujet dans les années 2000 intitulé « l’effet Whuffie » . A l’époque elle parlait des forums et blogs (les réseaux sociaux n’existaient pas) mais c’est le même concept. Je donne (du contenu, des conseils, de ma personne) et en échange ceux qui me suivent (ma communauté) m’est reconnaissante et m’est un peu redevable et m’écoute / me suit. D’ailleurs intéressant de se dire que « je te suis » a 2 sens : à la fois je te « follow » et « je suis avec toi ».
13) Pour vous, sommes-nous tous influenceurs ?
Oui. On parle de « nano » influenceurs quand on est dans le bouche à oreille entre particuliers aux micro, middle, macro… tout dépend de la taille de votre communauté, mais on a tous un pouvoir de prescription. C’est l’essence même du caractère social de l’humanité qui a toujours existé. Il est simplement mis en avant actuellement grâce aux réseaux sociaux.
Le marketing d’influence B2B
14) Pensez-vous que le marketing d’influence est uniquement réservé aux entreprises B2C ? Pourquoi ?
Non il marche aussi en B to B. Simplement c’est un domaine qui a des codes différents et qui est plus basé sur l’expertise que sur la personnalité de l’influenceur.
15) Comment développer et adapter le marketing d’influence en B2B ? Quels sont les outils à privilégier ?
C’est un sujet que nous n’avons pas assez étudié pour le moment mais qui fait partie de nos priorités à venir, notamment savoir comment utiliser efficacement les influenceurs Linkedin dans le cadre de la communication. La RGPD va tarir fortement les approches marketing B to B basées sur de l’e-mail ce qui ouvre un boulevard à Linkedin et derrière aux influenceurs Linkedin. Mais ce marché est encore assez peu mature… il ne demande qu’à murir.
Évaluer la stratégie de marketing d’influence
16) Comment évaluer une campagne de marketing d’influence ? (les indicateurs clés)
Cela dépend de vos objectifs, mais en gros on peut les séparer en 3 catégories :
– la puissance (est ce que la campagne a été visible) – en d’autres termes le nombre de vues ou personnes touchées – éventuellement segmentée sur les cibles.
– l’engagement (est-ce que la campagne a été appréciée) – en d’autres termes est-ce que les ratios Likes et commentaires sur vues sont supérieurs à la moyenne du marché
– les indicateurs business (vente / trafic renvoyé / nombre de nouveaux followers pour la marque / nombre de leads, nombre de téléchargements, …)
L’évaluation d’une campagne dépendra donc du succès sur ces critères par rapport à l’objectif fixé au début de la campagne. Après il ne faut pas tout attendre d’une campagne d’influence. Un influenceur ne génère pas forcément des ventes par exemple mais est plus un facteur d’awareness ou de sensibilisation à l’usage d’un produit. Il intervient donc plus en amont dans l’acte d’achat que des leviers type affiliation ou adwords.
17) Connaissez-vous le lead nurturing ? En quoi cela consiste ?
Un influenceur peut être pertinent pour acquérir des leads qui devront ensuite être transformés en client par la marque. C’est ce que nous avons fait sur BeautePrivee par exemple où les influenceurs ont permis le recrutement de plusieurs centaines de milliers de leads intéressés par la beauté. Et BeautePrivee les a ensuite convertis en clients.
Le public
18) Suite à l’observation de la baisse de confiance des consommateurs en les marques, comment peut-on la regagner en 2018 ?
L’influence est un bon moyen de regagner en crédibilité. Par exemple d’après Nielsen, les consommateurs ont confiance à 80% dans l’avis de quelqu’un qu’ils connaissent et seulement à 27% dans les bannières publicitaires. Basculer une partie d’un budget publicitaire de la pub digitale type bannière vers de l’influence marketing permet à une marque de regagner en confiance vis à vis des consommateurs. Et n’oubliez pas : le critère essentiel est de travailler avec des influenceurs qui aiment votre marque (indépendamment du fait d’être rémunéré ou pas).
19) Quels sont les supports et les messages à favoriser afin de toucher les nouvelles générations (millenials et zennials) ?
Les millenials et zennials ne regardent plus la télé, ne lisent plus la presse et vont beaucoup moins sur Internet (je caricature volontairement, mais l’idée est là). Aussi le seul moyen de les toucher est d’être présent là où ils sont et les réseaux sociaux (notamment ceux des influenceurs) sont des carrefours d’audience massifs pour les atteindre. Après choisir le réseau social (Instagram, Youtube, …) dépend de vos objectifs de communication, des caractéristiques du réseau et des cibles à atteindre.
20) Quels sont les nouveaux comportements à prendre en compte lors de la mise en place d’une stratégie de marketing d’influence ?
Le marketing d’influence se professionnalise, est plus transparent et il y a des prix de marché. C’est donc beaucoup plus facile aujourd’hui de faire des campagnes d’influence. Après attention aussi à des pratiques douteuses (achats de likes ou followers). Donc la facilité de lancer des campagnes d’influence veut aussi dire être vigilent sur la qualité des influenceurs retenus. Faire appel à des professionnels vous facilitera la vie sur ces points et vous aidera à obtenir de meilleurs résultats. Et puis des outils comme influence4brands vous donne aujourd’hui accès à 100.000 influenceurs. Cela devient plus facile de faire une campagne d’influence qu’une campagne Adwords !